Bilan temporel de quatre années de pugnace labeur

Bien que probablement intéressant pour nos clients la partie qui suit est issue d'une rédaction provenant de la mise en page des avancées de la firme depuis son installation. De ce qui lui permet d'avancer, mais aussi de ce qui la fait stagner, et pire de la dénonciation des éléments qui nous freinent.

 

Ceci est publié dans le but premier de venir en aide aux stagiaires et apprentis qui effectuent une partie de leur scolarité au sein de notre structure et qui doivent réaliser ensuite pour leurs professeurs une analyse de nos moyens de productions.

 

Ce texte servant de bilan à un instant précis offre également un témoignage pratique pour tout futur maraicher ou porteur de projet dans la mesure où il demeure un retour d’expérience concret, factuel.

 

Nous tâcherons à présent de nous atteler à une analyse exhaustive des atouts et contraintes de notre façon de produire. Elle empruntera bien évidemment divers aspects techniques essentiels et secondaires mais s'entichera également d'englober les méthodes sociales mises en jeu.

 

Mise au point en juin 2022

 

L'avantage premier selon nous, demeure dans l'existence des serres chapelles, 5.000 m² de confort lors des intempéries et de gain de temps lors des cultures menées en primeur. Sans oublier que les systèmes d'arrosage peuvent être maintenus en hauteur (micro-aspersion pendulaire) ce qui représente un ajout de confort non négligeable.

 

Puis, le sol qui bien que loin d'être parfait reste tout à fait acceptable et permet un très large spectre de cultures, n'étant ni facilement lessivable, ni trop argileux.

 

Le placement géographique demeure assez correct, Nîmes, Uzès et Alès n'étant pas si éloigné nous avons régulièrement des clients issues des nombreuses petites communes situées sur les pourtours des deux premières agglomérations et la troisième par l'excellence du réseau routier qui la dessert nous permet d'y effectuer deux livraisons hebdomadaires de manière véloce.

 

Bien que ces considérations puissent être jugées comme non proprement relatives à la production il est toutefois à souligner que sans accès simple et efficace à un réseau de distribution efficient aucune entreprise telle que la nôtre, dont le tiers du chiffre d'affaire dépend des boutiques spécialisées, ne pourrait survivre sur le long terme, du moins pas sans un réel et très lourd investissement au niveau de l'infrastructure d’accueil à la ferme, ce justement dont nous ne disposons pas.

 

L'apport en carbone étant à 100% constitué de bois broyé obtenu totalement gratuitement, l'idée ou plutôt le projet d'évoluer vers du maraîchage en sol vivant peut se voir envisagé de façon rationnelle. Dès lors il devient intéressant à la fois économiquement et écologiquement de procéder à ce cheminement. D'autant plus que cela nous permet une publicisation jugée, très probablement avec raison, comme vertueuse de nos techniques agraires auprès des clients de la ferme. Notre gage de qualité est en partie immédiatement démontré auprès des acheteurs dès lors qu'ils arrivent sur l'espace de stockage, directement adjacent au parking et qu'ils découvrent nos monticules de broyats végétal. Beaucoup assimilent cela à de la permaculture et celle ci à une méthode hautement qualitative de production, d'où une plus valu fortuite, involontaire mais palpable et factuelle.

 

Les micros machines nous offrent la possibilité d'un effort mécanique concentré sur peu d'espace et donc l’optimisation de ces dernières en très petites parcelles augmentant dès lors l'hétérogénéité globale du nombre de cultures.

 

Ceci est un point intéressant dans l'optique d'une vente directe sur l'exploitation car la rémanence des mêmes produits pendant une période considérée comme trop longue par le consommateur le décourage de faire le déplacement jusque notre firme. Car rappelons le, les supermarchés dont deux sont situés à seulement 5 km du village sont achalandés de marchandises nouvelles quasiment toutes les semaines. Pour que l'acheteur accepte l'inconvénient des saisonnalités il faut que celui ci soit le moins lourd possible.

 

Évidemment les hangars (environ 400m²) donnent l'occasion de nettoyer, entretenir et réparer les machines dans des conditions adéquates hors de la boue, mais aussi, s'il le faut, à la lumière des néons, et surtout à l’abri du soleil pendant les fortes chaleur et de la pluie froide hivernale.

 

De même le bureau permet de posséder une imprimante directement sur le site ainsi que des étagères où disposer des catalogues professionnels (machines et semences très généralement) ainsi que la comptabilité... Ceci peut paraître anodin mais grâce à cela nous gagnons en réactivité lorsqu'il faut analyser des tarifs ou passer des commandes.

 

La doctrine sociale de l'entreprise, en perpétuelle invention est à la fois intéressante sur les choix moraux qu'elle instaure, les avantages qu'elle instigue mais aussi parfois lassante, sinon harassante, par la longueur des débats qu'elle ne cesse d’instaurer.

 

Toutefois elle permet à qui veut s'intégrer véritablement au projet d'avoir lui aussi un droit de vote sur les inclinaisons prises par l'entreprise. De se trouver de fait non plus seulement témoin, acteur ou figurant mais de prendre une place dans le processus décisionnel et donc d'apprendre progressivement à opter pour des choix, à les défendre pour soi et en premier lieu pour le groupe. Ceci peut apporter un engagement guidant vers un premier pas dans la gestion des affaires d'une structure agricole, aussi les jeunes qu'ils soient chez Biopop pour un stage, de l'apprentissage ou même du woofing peuvent développer quelques notions de gestions entrepreneuriales pourvu qu'ils s'en donnent la peine. Et surtout de là appréhender les résultats sur les courts, moyens et longs termes des votes auxquels ils ont directement pris part.

 

Néanmoins certains jeunes ne connaissent, n'y ne s'intéressent, n'y même ne désirent aucunement continuer plus tard dans un projet agri-horticole. Dès lors le temps qu'ils donnent à contre cœur à l’analyse générale des linéaments spéculatifs et autres conjonctures productivistes les lasse, sinon les dépite. Ils ne veulent que désherber, planter ou pousser une brouette. Soit qu'ils se sentent au dessus du débat, soit qu'ils pensent que la besogne, la vraie, ne peut et ne doit être que physique, ils n'arrivent en tous les cas aucunement à s'intégrer dans le champs du dialogue et se mettent eux mêmes en séclusion occasionnant de là les prémices d'une séquence de délitement qui ne saura qu'aller crescendo.

 

Le fait de posséder des animaux permet également de casser les dynamiques routinières parfois liées aux travaux de maraîchage en créant de nouvelles tâches et fonction engendrant des responsabilités propres aux bêtes (nettoyages des enclos, nourrissage, traitement et soins si besoin...), de plus elles apportent un climat d'exploitation rustique, de ferme d'autrefois, un caractère plus authentique qu'une simple entreprise de production agricole qu’apprécient énormément les clients. Une large part ce ces derniers délaissant sciemment les supermarchés pour se rediriger vers des sociétés de tailles plus humaines, afin notamment de pallier à une perte de sens général, retrouvent dans ces détails quelque trace de l'authenticité paysanne, que celle ci soit vraie, probable ou fantasmée. Toutefois les faits sont là et chacun qu'il soit interne ou externe se réjouit par l'observation des animaux. L'entreprise pose d'ailleurs de nombreux nichoirs et au gré des années des oiseaux commencent lentement à poser leurs nids sur les structures métalliques des hangars ou dans les nombreuses haies.

 

La production d'une partie chaque année plus importante de nos plants est aussi l'occasion de changer de mode d'action, de passer à autre chose, de connaître d'autres modes de cultures, et donc une fois encore d'offrir diverses opportunités d'infuser dans les tâches annualisées des charges laborieuses momentanément dissemblables.

 

Là encore, notre clientèle se trouve naturellement rassurée de constater que les plantes se voient produites sur place. Cette traçabilité totale, une partie des jeunes plantules se trouvent commercialisées lors de nos ventes de légumes, augmente l'impression pour le consommateur de connaître l'origine de la chaîne d'approvisionnement et donc d'être sûr de savoir ce qu'il mange, c'est la mise en exergue de la devise « du champs à l'assiette » qui bien souvent se trouve étiquetée bien qu'il y ait eu entre le producteur et le client final qui dégustera le produit, un grossiste et un revendeur et parfois plusieurs semaines de chambre froide... En somme ici personne n'est trompé.

 

Toutefois le fait justement de ne pas utiliser de froid pour garder les légumes oblige à une logistique tendue, sans faille, ne permettant aucune trêve dans la distribution des denrées. Pas question de vacances d'été et pire que cela il est essentiel de courir après les magasins pour écouler tous les invendus de nos ventes directes. Et cela parfois à des prix qui nous poussent à nous interroger sur le bien fondé de cette distribution au rabais qui permet d'à peine amortir les coûts de production mais n'offre en retour aucune marge bénéficiaire.

 

Cependant nous essayons de maintenir la possibilité pour des consommateurs au faible pouvoir d'achat et se sentant très souvent, et avec justesse, exclus de la bio, la possibilité de prendre des paniers dits ''anti gaspi'' généralement vendus au quart du prix et contenant des produits à l'aspect non conformes pour la vente en surface spécialisée. De même dans cet esprit de permettre une consommation accessible à un plus large public les invendus du samedi matin sont immédiatement disponibles dès la fin de la vente en colis surprise, distribué avec une remise de 50% du tarif normal.

 

La transformation des matières brutes dont l'année 2021 connut les prémices demeure à nos yeux une opportunité d'espoir afin de distribuer plus librement dans le temps les denrées ainsi conservées dans des verrines. Le caviar d'aubergine Biopop n'a cependant connu qu'un succès très relatif, son goût étant plutôt neutre les ventes n'ont jamais décollées. Il faut préciser que nous avions confié la tâche d'élaborer la recette à un cabinet privé qui voulut faire un produit peu typé afin de plaire au plus grand nombre. Hors sans réel caractère c'est l'inverse qui se produisit, peinant à se différencier au niveau gustatif ne marqua pas les esprits.

 

Nonobstant ces effets délétères, cette mésaventure nous permet de savoir qu'il faut apprendre à réaliser nos propres recettes et investir dans du matériel professionnel y compris culinaire. Le point positif de cette situation jusque là malheureuse réside peut être dans le fait que loin de nous avoir terrorisé elle nous encourage vers l'autonomie, nous guide vers la pente de la polyvalence, vers l'acquisition de nouvelles connaissances.

 

Dernier point mais possédant une importance non moins cruciale, l'entreprise ayant eu de sérieux déboires via les trois cambriolages qui l'ont frappés, une large partie des fonds obtenus via nos plantations ne s'en va pas pour l’amélioration de l'outil de production mais pour les réparations causés aux équipements et structures.

 

Ce qui réduit considérablement la liberté d'aller de l'avant. De même sans les investissements nécessaires il reste très souvent particulièrement chronophage d'effectuer des opérations qui eurent pu être menées en quelques instants. Ce temps perdu bloque toute avancée sérieuse et prompte. Pour capitaliser sur les interventions il faudrait probablement qu'elles soient, dans une optique de maximisation des profits temporels, mécanisées voire automatisées tant que faire se peut.

 

Le manque de moyens financier à pour conséquence immédiate que des processus au potentiel amplement motorisable continuent de se mener manuellement.

 

Évidemment du point de vue éthique l'on pourrait s’interroger sur la justesse de cette « robotisation » à outrance en se demandant si l'homme ne se trouve finalement en queue de process pas lui même le serviteur d'un gigantesque mécanisme dont il n'est plus le chef d'orchestre, mais seulement l'un des rouages.

 

La caution morale et l’élément politico-religieux qui sous tend et sous pèse chaque action de l'équipe au regard notamment des impératifs moraux tels que décrits par la charte éthique de l'entreprise vient une fois encore re-situé le combat des idées. Quel productivisme pour quel gain ? Quelle place pour l'animal face à l'humain ? Quel rôle pour l'argent ? Quel espace pour l'entraide ?

 

On le voit Biopop oscille invariablement entre des manières d’œuvrer qui alternent et conjuguent les contraires, une dissymétrie perpétuelle qui n'aide en rien à fixer des antinomies ou des concordances de façon durable. Au contraire il nous semble qu'il faudrait pour saisir efficacement la problématique des enjeux productivistes prendre le temps d'un recul multiscalaire puis de revenir peu à peu, en analysant chaque échelle de valeurs dans toute sa dimension polymorphique, c'est à dire telle que réunissant l'ensemble d'une typologie d’éléments préalablement établie ( qui conterait par exemple : l'humain, l'environnement, le collectif, le privatif, le public...) en sorte que dans la synthèse de cette complexification puisse objectivement et pourquoi pas catégoriquement concéder un impartial compendium qui ensuite nous servirait de maître étalon.